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Discours de Dominique DUPILET, Président du Conseil général du Pas-de-Calais

Publié le 1 avril 2011

Mesdames, Messieurs les Conseillers généraux,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour cette 3ième élection à la Présidence du Conseil général.
Je ressens cela comme un honneur, mais aussi comme un message de confiance qui dépasse celles et ceux qui ont voté pour moi.
Je serai le Président de tous, même si, vous l’imaginez aisément, ce mandat ne peut être que conforme aux engagements pris auprès de celles et ceux qui ont proposé ma candidature.

Nous sortons d’une période agitée… Les campagnes électorales ne sont jamais un long fleuve tranquille, mais il faut dire que celle-ci fut exceptionnelle :

  • exceptionnelle parce que unique après une période qui avait consisté à dire qu’il y avait trop d’élus et qu’il était temps de supprimer des tranches du mille-feuilles
  • exceptionnelle parce qu’à un an d’une élection capitale, beaucoup avaient voulu en faire une répétition, une simulation, un sondage grandeur nature qui, on l’a bien vu, a occulté en partie les enjeux départementaux
  • exceptionnelle parce que dans une conjoncture de crise, les conditions de vie des Français étaient plus difficiles que jamais, dans le Pas-de-Calais comme ailleurs
  • exceptionnelle parce que nous sommes élus pour 3 ans

Ces circonstances ont donné un constat partagé par tous : l’abstention n’a jamais été aussi forte. Est-ce à dire que nos concitoyens en s’abstenant, ont renoncé à exercer leur droit de vote si difficile à obtenir dans de nombreux pays ?
Avons-nous tous encore la même notion de la citoyenneté ?
Suffit-il d’avoir une carte d’électeur pour se sentir citoyen et aller voter ?

Alors que la Nation ne garantit plus à chacun de nous un travail, et par là même le droit de vivre comme un Français à part entière (c'est-à-dire fonder et faire vivre sa famille, avoir un logement décent, faire des études qui débouchent sur un véritable avenir, avoir des enfants scolarisés à 2 ans dans l’école de la République et pas seulement en payant, avoir une retraite sans aller au restaurant du cœur, espérer sortir du système des minimas solidaires, vieillesse, handicap) peut-on encore parler de citoyenneté ?

Chacun l’a vu, la crise a du être partagée par tous mais la sortie de crise n’est possible que pour les banques renflouées par l’impôt, par le CAC 40 qui permet de faire de nouveau de substantiels bénéfices, pour les stock-options revivifiées alors que pour certains de nos concitoyens l’arrivée de la note de gaz, d’électricité ou simplement l’inscription des enfants dans une formation coûteuse représente une hantise chaque jour.

Pourquoi voulez-vous que ces Français ne se sentent citoyens que le jour où nous leur demandons d’aller voter ?

Le préambule de la Constitution dit ceci :

Le préambule de la Constitution et la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen sont les valeurs d’adhésion à la République.

Pensez-vous qu’aujourd’hui ces principes soient respectés ?

Pour les plus fragiles ou les plus crédules, les slogans de l’extrême droite accentuent le sentiment d’injustice, de laissés pour compte, en faisant croire que ce vote là, tout en étant un vote de révolte, va apporter une solution à leur problème en culpabilisant a priori la classe politique toute entière.

L’extrême droite trouve aujourd’hui ses propagandistes dans la classe politique traditionnelle, y compris dans les hautes sphères de l’État, qui n’hésite pas à lui emprunter les termes xénophobes qui favorisent son intégration dans toutes les couches de la population.

Le procédé est répétitif et n’a subi aucune altération depuis la création des régimes totalitaires d’avant guerre, qui avaient si bien su reprendre à leur compte la formule de Talleyrand il faut agiter le peuple avant de s’en servir.

Alors, il est clair que ces élections ne peuvent nous laisser indifférents.

On pourrait répondre par des perspectives d’avenir qui nous rapprocheraient d’un idéal de vie, de morale, de doctrine économique comme beaucoup d’entre nous l’ont appris : le Gaullisme, le Socialisme, le Marxisme, le Libéralisme valeurs auxquelles nous croyons encore pour certains d’entre nous et qui se trouvent balayées chaque jour par les émissions de télévision qui sont financées par un seul objectif : le consumérisme. Si vous pouvez consommer, vous êtes intégrés, si vous ne pouvez pas vous êtes rejetés, aggravant encore par là le désarroi des plus fragiles d’entre nous.

Si vous n’êtes pas invités au Fouquet's, si vous n’avez pas de Rolex, si personne ne vous invite sur un Yacht, peut-être alors n’êtes vous pas un citoyen exemplaire…

Vous allez me dire : quel rapport avec notre réunion d’aujourd’hui et en quoi le Conseil général est-il concerné ?

Je souhaite que nous ne soyons pas indifférents au message entendu par tous et que nous nous efforcions d’intégrer dans nos actions, à travers nos compétences, dans l’application du Projet Stratégique Départemental, dans notre politique de communication et dans notre comportement de tous les jours individuel et institutionnel, la demande claire de nos concitoyens : plus de solidarité, plus de proximité, plus d’explication et plus de participation active.

Cela concerne d’abord les jeunes, principale force d’abstention. Oui, les jeunes souhaitent pouvoir accéder à la pratique sportive, à la vie culturelle, à l’éducation populaire, à la formation et à l’éducation mais ils souhaitent surtout que dans l’ensemble de nos prestations, ils se sentent partie prenante, codécideurs, et insérés dans notre société.

Nous n’avons pas dû faire les efforts nécessaires jusqu’à présent et notre politique jeunesse encore balbutiante a-t-elle peut-être fait trop de place aux loisirs et pas assez au travail. Nous devons renforcer nos liens avec les missions locales et nos services d’insertion doivent s’ouvrir davantage sur les jeunes afin qu’ils nous sentent complètement mobilisés sur leur recherche d’emploi, sur la nécessité de compléter les formations parfois insuffisantes, sur la mobilité, et je demanderai à ce que l’Association des Départements de France institue une véritable bourse à la mobilité.

Certes, nous devons renforcer notre priorité fondamentale qui est l’éducation à travers nos collèges mais peut-être devons-nous redéployer nos moyens pour cibler les collèges fréquentés par les plus défavorisés et les élèves à qui on a déjà dit que leur seule ressource sera un jour d’émarger au RSA, comme leurs parents et leurs grands-parents. Sortons de la spirale de l’inexorable pour combattre avec, j’en suis sûr, la complicité du corps enseignant à défaut de celle de l’État.

L’éducation populaire, comme vecteur d’accès à la culture, pas celle des habitués repliés dans leur confort culturel, doit nous mobiliser pour accompagner son développement, en liaison avec la contractualisation de nos intercommunalités.

À quoi cela servirait de financer la restauration de notre patrimoine si l’on était incapable d’ouvrir les yeux des habitants du Pas-de-Calais sur ce qui est beau, à voir, à écouter, à sentir, à aimer. Réinventons le goût de la critique, de la discussion, de la rencontre avec l’autre. Les animateurs de rue qui obtiennent des résultats remarquables mais ignorés devront trouver une place dans nos politiques et rénovons la prévention en la remettant en mouvement.

Recréons le lien intergénérationnel et dénonçons ce système qui tend à monter les jeunes contre les vieux, les vieux contre les jeunes, et ceux qui travaillent contre ceux qui ne travaillent pas, comme le fait l’extrême droite.

Nous devons mettre en place nos schémas, il faut leur donner une dimension humaine autant qu’arithmétique et il faut introduire avec nos mandats un rapport qui doit dépasser la simple discussion du prix de journée. Je le dis pour eux qui pensent que nous ne sommes que des bailleurs de fonds alors que notre réflexion, en tant qu’élus, est souvent plus audacieuse et plus ambitieuse que la leur et dont ils ne rendent pas souvent compte à celles et à ceux qui, profitant des prestations du Conseil général, ne le savent pas parce que personne ne le leur dit.

Nous devons continuer à nous ouvrir sur le monde en démontrant que les rapports entre les hommes et les femmes qui le composent ne se limitent pas à la confrontation des places boursières, dont on nous rabâche les exploits à chaque heure d’information et qui finissent par faire peur à tout le monde lorsque le Dow Jones est en baisse alors que personne ne possède d’actions à New York.

Au contraire notre relation avec nos voisins européens, dans le cadre des détroits, avec la Grande-Bretagne et le Kent en particulier, avec les pays du Tiers Monde ne peut que nous aider à lutter contre cette idée que nos maux viennent de l’étranger surtout si l’étranger est pauvre mais qu’au contraire c’est toujours au contact de l’autre que nous nous enrichissons mutuellement.

La présence dans le Pas-de-Calais de nombreuses équipes olympiques en 2011 et 2012 doit contribuer à démontrer que l’effort est le même pour tous qu’on soit blanc, noir, jaune, rouge. Oui l’esprit de l’olympisme doit donner le Pas-de-Calais en exemple dans les mois qui viennent, si nous savons ouvrir nos installations, nos portes, nos cœurs et nos esprits.

Mais me direz-vous, nous ne sommes élus que pour trois ans, avec entre temps une élection présidentielle, législative et au bout une réponse dont on pressent les contours mais dont on ne sait rien de précis ?

Je vous réponds clairement : quoiqu’il arrive, nous aurons des successeurs qui devront assurer les compétences qui seront dévolues au Département. Nous devons donc leur livrer une institution en état de marche, rendue incontournable et qui aura su tenir compte des évolutions indispensables.

En état de marche parce que les élus dans leurs travaux assidus et par leur présence sur le terrain auront avec l’administration et les services permis de moderniser l’institution, de la rationaliser, d’optimiser les moyens, d’en faire un instrument moderne au service de nos compétences et du projet stratégique que nous avons adopté.

Rendu incontournable parce que nous aurons renforcé la proximité avec la territorialisation et que les services rendus aux personnes et aux collectivités ne tolèreront aucun retour en arrière, je pense à la contractualisation en particulier, originalité de notre institution et clé de voute de nos rapports avec les autres.

Tenu compte des évolutions indispensables parce que nous sentons bien approcher le temps des aires métropolitaines qui s’inscrivent inexorablement dans le paysage et qui nous marginaliserait si nous ne nous y préparions pas dès aujourd’hui.

C’est pourquoi, je proposerai à votre réflexion prochainement le principe d’un rapprochement avec le département du Nord afin d’envisager une association avec ce dernier dans le cadre d’une expérimentation volontaire. Cela devrait nous permettre d’être plus fort pour dialoguer avec la Région et les grandes Aires métropolitaines, cela devrait rassurer ceux qui n’en seraient pas et qui se sentiraient isolés voire désertifiés.

Oui, mais avec quels moyens ?

Vous me voyez arriver. Nous réclamons justice pour le contribuable du Pas-de-Calais qui ne doit pas payer les prestations voulues par la loi et fixées par l’État sans un juste retour à l’euro près. Nous saurons demain si la question de la constitutionnalité va dans notre sens et ci çà n’était pas le cas, nous demanderons à ce que la loi soit changée aujourd’hui ou en 2012.

Si non, nous devrons alors nous laisser entrainer vers ce que nous avons refusé aujourd’hui, l’abandon de nos compétences volontaristes, déjà préconisé par certains ici, mais dont nous savons bien que c’est encore le citoyen le plus fragile qui en ferait les frais.
Alors nous devrions abandonner notre politique de subventions aux communes et aux intercommunalités privant par là le Département d’une dynamique d’investissements dont nous sommes souvent les initiateurs.

Et pourtant, nous savons que nous devons à tout prix maintenir les politiques d’investissements - celles que je viens de vous décrire par l’intermédiaire de nos partenaires mais notre politique d’investissements pour nos routes, nos collèges et dès l’an prochain sur les nouvelles routes de la communication afin d’assurer le haut débit sur l’ensemble du territoire du Pas-de-Calais, gage de compétitivité de tout le département.

C’est pourquoi, je prends l’engagement devant vous de continuer ce combat de nos moyens qui sont le gage d’un service public concrètement accompli.
Je ne serai pas l’homme du renoncement et nous ne serons pas l’Assemblée qui cèdera à la fatalité.

Mais vous avez compris que pour la majorité d’entre nous, l’alternance de 2012 constitue un objectif prioritaire vers lequel nous continuerons tous nos efforts.

Mes Chers Collègues,

Les 77 Conseillers Généraux qui sont réunis ici cet après midi représentent les 1 450 000 habitants du Pas-de-Calais.
Nous sommes tous à égalité de droits et de devoirs quels que soient les bancs où nous siégeons.

Comme le dit la Constitution, nous nous administrons librement. Aucune Collectivité ne peut nous dicter, vous dicter votre conduite même si vous êtes membre d’un Conseil municipal, d’un Conseil communautaire ou d’une Assemblée parlementaire.
Les décisions que vous prendrez le seront uniquement dans l’intérêt de la Collectivité où vos électeurs vous ont désigné. C'est-à-dire le Département.

Certes, votre sensibilité territoriale apportera les correctifs nécessaires et indispensables à la gestion humaine de notre collectivité et la solidarité des territoires.
Nous devrons rendre des comptes régulièrement et en ce sens notre politique de communication devra être amendée.

À quoi servirait-il d’annoncer les grands rallyes, les grands événements sportifs et culturels si nous ne prenons pas le temps d’expliquer nos politiques avec les moyens dont nous disposons et qui ont fait l’objet de critique durant la campagne électorale ?

La première des politiques de communication est l’accueil dans nos services et l’explication détaillée de nos prises de décision. Nous devons revoir les contours de nos correspondances, nous excuser quand nous perdons un dossier et justifier nos refus.

Un service de médiation sociale sera proposé sur chacun de nos territoires. Ils allégeront nos permanences, et humaniseront notre image et permettront à nos concitoyens de se sentir plus responsables en ouvrant avec nous un dialogue direct.

L’autre politique de communication est une ouverture vers les médias pour leur demander de faire le travail d’information qui fait si souvent défaut et qui privilégie le sensationnel, l’événementiel, le négatif en oubliant le long travail qui est le nôtre : la construction d’une société où le meilleur de ce qui constitue le genre humain doit être valorisé.

Pour cela je demanderai à la 7ième Commission de se pencher sur une éthique de communication à partager sur tous les bancs de cette Assemblée.
Enfin nous devrons être exigeants sur la montée en puissance de notre agenda 21 dans la perspective d’une approche politique du développement spécifique du Pas-de-Calais : département urbain, périurbain et rural.

Nous avons commencé à redresser la tête, la lecture d’un grand quotidien régional nous montre que les habitants sont fiers (87 %) d’être de leur Région, qu’ils sont optimistes et qu’ils ont plutôt confiance dans leurs élus.
L’arrivée du Louvre Lens, le lancement du Canal Seine Nord après le classement du Site des Caps et l’ouverture du tunnel sous la Manche doivent continuer à porter notre image positive à l’extérieur.

Quel département de France a franchi d’aussi importantes étapes en si peu de temps ?

Nous avons été, nous sommes de tous ces combats, de tous ces projets.
Il faut maintenant transformer l’essai. Nous sommes élus pour cela.

Je ne voudrais pas terminer sans avoir une pensée pour tous les candidats non élus de ces dernières élections. Ils ont fait partie de cette cohorte de gens désireux de servir et ont le droit à notre salut fraternel, nous qui aujourd’hui avons le privilège d’occuper les fauteuils de cet hémicycle.

À travers eux, tous les électeurs, tous nos concitoyens, toutes celles et tous ceux qui ont fait vivre la démocratie, seule forme républicaine du pouvoir.
Nous allons nous mettre au travail poursuivant dans la lignée de nos prédécesseurs mais regardant sans cesse la ligne d’horizon que nos successeurs regarderont un jour.

Puisse cette nouvelle étape à franchir apporter plus de douceur dans les regards, plus de franchise dans les poignées de main, plus de sourires sur les visages des enfants.
Car nous sommes là pour créer le bonheur, le progrès et l’espérance.

Le pouvoir est fait, non pour servir le pouvoir des heureux, mais pour la délivrance de ceux qui souffrent injustement.

Je fais mienne cette citation de l’Abbé Pierre et sais pouvoir compter sur vous tous.

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