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Migrations : une archéologie des échanges

Publié le 29 août 2022

Du 17 septembre au 18 juin 2023, la Maison de l’Archéologie du Pas-de-Calais de Dainville accueillera l’exposition Migrations, une archéologie des échanges. À l’heure où certains se sont accaparés ce mot pour promouvoir un agenda politique nauséabond, cette exposition viendra rappeler que la migration, des hommes, des biens et des idées fait partie de l’histoire de l’Humanité, aussi bien que de celle du territoire que nous appelons aujourd’hui le Pas-de-Calais.

 

N’en déplaise aux défenseurs d’un roman national fantasmé et idéalisé, l’histoire des nations n’est bien souvent qu’un voile qui vient masquer les réalités humaines qui sous-tendent à la marche de l’histoire. Celle qui sert de matière aux scientifiques, qu’ils soient historiens ou archéologues. Celle qui se pare parfois d’un grand H majuscule. Car derrière les grands personnages historiques, ou les événements qui remplissent les frises chronologiques que l’on présente aux élèves, se cachent souvent des processus bien plus complexes, pour certains encore inconnus ou à l’état d’hypothèses. Des dynamiques nourries de destins individuels, de grandes découvertes, de progrès technologiques ou bouleversées par des aléas en tous genres.

 

Fortifications
Chantier de fouilles sur le site de fortifications anglaises à Guînes durant l’été 2021.

 

Une exposition où l’archéologie questionne les migrations

 

Pour comprendre l'histoire des peuples ou du monde actuel, les archéologues travaillent sans relâche à dater, inventorier et mettre en relation les vestiges des temps passés, qu’ils soient proches ou lointains. Fermes gallo-romaines, débris de la Grande Guerre ou traces d'occupations humaines remontant à la Préhistoire, les témoignages d’activités humaines retrouvés dans le Pas-de-Calais sont aussi nombreux que variés et racontent l'histoire de ce territoire et de ceux qui y ont vécu, y sont passés, s’y sont installés ou l’ont quitté.

 

À partir d’une sélection de pièces conservées au Centre de conservation et d’étude archéologiques du Pas-de-Calais ou issues des collections des musées de la région, les archéologues du Département ont construit un parcours d’exposition qui permet d’observer la multiplicité des migrations qui ont traversé le Pas-de-Calais. Car plus qu’un simple travail de collecte, d’inventaire et de conservation, l’archéologie permet de mettre en relation ces fragments d’histoire pour retracer l'histoire de l’humanité de manière rigoureuse, factuelle et objective.

 

Un territoire façonné par les migrations

 

Fière de son patrimoine culturel et gastronomique, notre région n’a pourtant pas hésité à se servir dans les recettes de ses voisins plus ou moins lointains, en témoignent nos welshs, carbonades flamandes, ou bières très probablement venues de Mésopotamie. Si l’exploitation du charbon ou les guerres et dictatures modernes ont poussé des populations du monde entier à immigrer vers, ou via, le Pas-de-Calais, les vestiges archéologiques nous prouvent que le Pas-de-Calais n’a pas attendu l’ère industrielle pour devenir terre d’accueil ou de passage.

 

« On ne migre pas sans raison »

 

Avec 80 objets archéologiques, cartes, photographies et documents anciens présentés et un travail de collaboration avec les Archives départementales, l’exposition permettra de contempler des vestiges de notre histoire, mais aussi de comprendre ce qu’ils nous disent sur l'histoire des peuples, de leurs mouvements et de leurs cultures.

 

Qu’il s’agisse de témoignages de jeunes mineurs non accompagnés ou d’objets qu’ils ont souhaité présenter aux visiteurs ; d’une épée permettant de conclure à un commerce avec les peuples installés outre-Manche dès l’âge du Bronze ; ou de fragments d’un squelette d’habitant du Pas-de-Calais vieux de plus de 6000 ans qui attestent de brassages génétiques bien plus anciens permettant de remonter aux populations nomades du Moyen-Orient ; chaque objet présenté au cours de l’exposition donnera un nouvel éclairage sur la manière dont l'histoire des peuples et des civilisations a passé son temps à s’entremêler.

 

Restauratrice
Restauratrice travaillant sur les céramiques néolithiques découvertes sur le site archéologique du Mont d’Hubert (Cap Blanc Nez) et un pichet de la période moderne découvert à Bours.

 

Objets romains ornés d’inscriptions gauloises, pipes de Saint-Omer retrouvées en Amérique, Vénus préhistoriques produites en série dans la Somme correspondant aux canons de celles retrouvées un peu partout en Europe, ou broderies ramenées dans les valises des mineurs polonais, chacune des pièces de l’exposition fera prendre conscience à ses visiteurs de l’importance et de la diversité des cultures qui ont façonné l’histoire et l’identité de notre région.

 

À travers l’histoire de ceux qui se sont déplacés, de ceux qui sont restés, et de ceux qui ont vu arriver de nouvelles populations, Migrations permet de comprendre que derrière ce mot se cachent de très nombreuses significations et des pans entiers de notre histoire. Passage d’un mode de vie nomade à semi-nomade ou sédentaire, guerres de conquête ou besoin de protection d’une population, développement du commerce et des échanges entre population, réponses aux aléas climatiques ou politiques : les migrations concernent les personnes, les biens et les idées et constituent le propre d’une espèce qui s’adapte en permanence à son temps et à son environnement.

 

À l’issue de l’exposition, les visiteurs pourront partager une expérience de la migration en laissant un témoignage à l’heure où le Pas-de-Calais doit fait face au Brexit, aux guerres qui poussent sur les routes des millions d’exilés, ou à un réchauffement climatique qui s’impose comme une réalité de plus en plus palpable. Des témoignages qui permettront peut-être aux archéologues de demain de comprendre nos choix face à ces grands enjeux, et de comprendre pourquoi le débat public est tiraillé entre la tentation du repli identitaire et la culture de l’accueil qui souvent encore caractérise nos terres ouvrières dans l’imaginaire collectif.

 

Du 17 septembre au 18 juin 2023. Visite de l’exposition libre, gratuite et sans réservation. De 14h à 18h, du mardi au vendredi et un week-end par mois. Maison de l’Archéologie du Pas-de-Calais, 9 rue de Whitstable à Dainville. 03 21 21 69 31. Pour retrouver l’ensemble des activités et manifestations organisées autour de l’exposition (ateliers, visites guidées, cafés arche…), rendez-vous sur archeologie.pasdecalais.fr .