Routes départementales, toute une histoire

LICQUES. I like Licques ! Nos amis anglais apprécient depuis fort longtemps le pays licquois et pas seulement pour ses dindes et dindons (de la farce) - ils traversaient naguère la Manche pour venir faire leur marché lors des foires aux volailles de décembre. Une virée sur la route départementale 224 est une aubaine pour traverser un paysage enchanteur. Enchanteur, le mot n’est pas trop fort. "Qui ravit les sens, le coeur, l’esprit" confirme le dictionnaire. Rien ne répond moins aux idées reçues sur le Pas-de-Calais que Licques et ses monts.

RD 224
Photo : CD62/Y.Cadart

"Des vallées et des vallons qu’il faut imaginer, et des forêts sur les collines, et un vert qui, après tant de plat pays grisé, paraît plus vert que nature" écrivait Georges Ducatez dans un guide touristique publié en 1959. Six décennies plus tard on est toujours bien vert autour de Licques et ce n’est pas de la peinture acrylique. Pendant que les grandes villes embouteillées se désespèrent - merci à Chagrin d’amour, Chacun fait (c’qui lui plaît) -, la route départementale 224 remonte le moral au beau fixe.

Rendez-vous à Audruicq la capitale de l’ancien pays de Brédenarde, haut lieu des watergangs et de la chicorée, et direction Nortkerque puis Ardres où le temps peut suspendre son vol et les heures propices suspendre leur cours (merci Lamartine) pour profiter du lac et de ses activités nautiques. Sinon, on traverse la 943, et la 224 bien ombragée donne immédiatement le ton d’une balade à petite vitesse.

La nature accorde ses instruments pour exécuter un morceau des plus réjouissant. Après Lostebarne et sa réserve naturelle, Autingues, voici Landrethun-lès-Ardres sur la droite (village réputé pour ses fraises) et le Bois ; on ne se laisse pas impressionner par la Cense de tous les diables. C’est une autre dimension, le Pas-de-Calais se prend ici pour un département de petite montagne.

Le mont de Brême et le mont de Cahen s’élèvent de part et d’autre de la 224 ; prairies pâturées pour le premier, pelouses, ourlets, et fourrés pionniers calcicoles pour le second. Mais oui il faut conduire comme dans les Alpes ! L’automobiliste aborde donc prudemment les lacets du Vigneau ; il ne s’agit pas de faire le Fangio comme ces pilotes qui participaient à la célèbre course de côte.

Bonne nouvelle, le Département du Pas-de-Calais a récemment rénové la chaussée avec pose d’accotements en béton, pose d’un nouvel enrobé, dépôt de gravillons antidérapants dans les "S". Le même automobiliste qui descend le Vigneau (on y cultivait autrefois la vigne) aura une pensée pour le cyclotouriste qui est en train de faire l’ascension. L’accordéoniste Michel Pruvot qui fut un bon coureur amateur évoquait dans son livre L’enfant du bal les entraînements dans la terrible côte du Vigneau.

L’automobiliste encore lui n’hésitera pas à s’arrêter à Licques passant de quatre roues à deux pieds pour se lancer dans une solide randonnée pédestre de onze kilomètres. L’idyllique sentier du Cah-Licq’Co démarre de l’abbatiale de la Nativité-de-Notre-Dame. Cet imposant édifice est ce qu’il reste de l’ancienne abbaye de l’ordre des Prémontrés fondé par saint Norbert en 1132, ses religieux ont développé l’agriculture et l’élevage, notamment en introduisant dès le 16ième siècle celui de la dinde…

La dinde a d’ailleurs sa statue à Licques, baptisée Alfred. Rien ne répond moins aux idées reçues sur le Pas-de-Calais que ce sentier qui prend très vite de la hauteur. La dinde a de la cuisse et le marcheur de bons mollets. Il faut gravir le mont Belbert puis le mont de Licques (1 600 mètres de long pour un dénivelé positif de 82 mètres), longer un moment la route départementale 224 pour parvenir à La Solitude et profiter "d’une vue imprenable sur Licques et sur la vallée de la Hem".

Encore plus imprenable sera la vue offerte aux parapentistes expérimentés qui décollent du Vigneau. Une rude montée permet aux plus hardis de "conquérir" le mont de Cahen à 157 mètres d’altitude en poussant peut-être le cri de la dinde, "glouglou" ?

Une descente le long du chemin du Rappoye emmène le marcheur au hameau de Courteborne avant qu’il n’emprunte l’ancienne voie ferrée Le Portel-Bonningues-lès-Ardres pour retrouver le bucolique Licques.

Reprenant le volant de sa chère voiture, l’automobiliste peut poursuivre sa route sur la départementale 224 (après avoir suivi les routes départementales 215 et 191) et gagner finalement Colembert, un beau village au pied du mont Dauphin (altitude 200 mètres), où l’on peut admirer le "petit Versailles du Boulonnais", un château construit entre 1776 et 1784.


Article écrit par Christian Defrance pour l'Écho du Pas-de-Calais 210 de juillet-août 2021.

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