L'Echo du Pas-de-Calais : Vers les 18 mètres et au-delà…

Rencontre avec Hugues Fabrice Zango, triple sauteur. Par Christian Defrance, le 09/04/2020.

Publié le 9 avril 2020

 

BÉTHUNE. Le 13 mars dernier, alors que Covid-19 poursuivait sa course morbide, Hugues Fabrice Zango nous confiait : « On essaie de s’entraîner, de ne pas diminuer d’intensité ». Le recordman d’Afrique du triple saut en salle (17,77 mètres) et en plein air (17,66), membre du cercle très fermé des meilleurs triples sauteurs mondiaux ne cachait déjà pas sa déception de voir sa saison en plein air complètement bouleversée. Elle est triplement contrariée depuis le confinement.

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Hugues Fabrice Zango reste chez lui dans sa résidence universitaire. « J’essaie de garder la forme en attendant de meilleurs jours, dit-il. Je réussis à m’entraîner à la maison, abdominaux, gainage et pompes. » L’athlète du Burkina Faso et « Béthunois complet » depuis son arrivée en 2016 à l’Université d’Artois a vu s’éclipser les championnats du monde d’athlétisme en Chine (il avait décroché une médaille de bronze lors des Mondiaux 2019 à Doha), un stage d’entraînement prévu en avril aux États-Unis avec Christian Taylor et surtout les Jeux olympiques de Tokyo. Ces Jeux et le concours du triple saut des 4 et 6 août 2020 pour lesquels Hugues Fabrice a consenti tant de sacrifices. S’il a connu un échec cuisant aux Jeux de 2016, éliminé lors des qualifications, le triple sauteur d’Artois Athlétisme visait une médaille à Tokyo, l’or bien sûr.

Talent et discipline

Le parcours d’Hugues Fabrice Zango, né le 25 juin 1993 à Ougadougou, n’est pas banal. « Avant 2012, je ne savais pas que l’athlétisme existait » lance-t-il. Plutôt attiré par le football et le taekwondo, il a découvert tardivement le triple saut lors de rencontres scolaires mais sa progression fut fulgurante, de 12 mètres à 15 mètres en une année (de 2012 à 2013). « Et un gros bond en 2016 à plus de 16 mètres ! Les moyens étant limités au Burkina Faso, j’ai décidé de partir pour ne pas régresser. » Le triple sauteur burkinabé a toujours mis sur un même plan sport et études ; titulaire d’une licence en génie électrique dans son pays, il a choisi de passer un master en France débarquant donc à Béthune en mai 2016.

Entre la Faculté des sciences appliquées de l’Université d’Artois et le club Artois Athlétisme où il a très vite trouvé ses marques, Hugues Fabrice Zango a géré avec sérieux, discipline et talent son avenir professionnel et sportif. Aujourd’hui en deuxième année de doctorat, il bénéficie d’un « aménagement » tout à fait compréhensible pour terminer sa thèse d’ici 2022. Son sujet : les machines électriques, avec beaucoup de maths et d’algorithmes ! « Pour les algorithmes comme pour le sport, il faut être patient et persévérant, dit-il. On a plus d’échecs que de réussites. »

Plus loin que Jonathan

Depuis septembre 2018, Hugues Fabrice est coaché par Teddy Tamgho (recordman du monde en salle du triple saut avec 17,92 mètres). « Le week-end à Paris, à l’Insep, nous travaillons le qualitatif. Un ingénieur biomécanicien décortique même mes mouvements… » Mais c’est à Béthune ou à Bruay-la Buissière que le triple sauteur parfait sa préparation physique. Le triple saut est très éprouvant : un saut à cloche-pied, une enjambée et un saut, effectués dans cet ordre. Le saut s’effectue de telle sorte que l'athlète retombe d’abord sur le pied avec lequel il a pris son appel, puis au deuxième saut, sur l'autre pied, à partir duquel le saut est terminé.

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L'athlète au Meeting du Pas-de-Calais - Liévin 2020.

« Il faut courir vite, ajoute Hugues Fabrice (6 secondes 81 au 60 mètres et 10 secondes 72 au 100 mètres), pouvoir encaisser son impulsion (il arrive à 40,8 kilomètres par heure sur la planche !) et repartir le plus loin possible. » En 1995, le Britannique Jonathan Edwards fut le premier à franchir le cap des 18 mètres (18,29 mètres, record du monde qui tient toujours). En plein air Hugues Fabrice a « triple sauté » à 17,66 mètres à Doha en 2019. Cette année il a brillé en salle : 17,77 mètres le 2 février à Bercy ; 17,51 le 19 février lors du meeting de Liévin. « Au meeting de Liévin, j’avais le record du monde dans les jambes. Les 18 mètres en plein air, pour moi c’est plus que possible ce n’est qu’une question de temps… »

Le coronavirus change la donne mais Hugues Fabrice Zango ne cède pas à la démobilisation. Les Jeux de Tokyo restent une priorité puis viendront les Jeux de Paris en 2024 « et après je raccrocherai les pointes ». En attendant, il reste chez lui et fait de l’électronique.