Depuis leur création, plus de soixante Capitales européennes de la Culture ont été désignées aux quatre coins du continent. Mode de désignation, jury, critères de sélection : comment fonctionne cette initiative de l’Union européenne ?

Tout commence en 1984 avec une initiative des deux ministres de la Culture grecque et français de l’époque : Mélina Mercouri et Jack Lang, qui lancent, par l’intermédiaire de ce qui s’appelle alors encore la Communauté économique européenne (CEE), l’ancêtre de notre Union européenne (UE), la "Ville européenne de la Culture". Athènes a ouvert le bal en 1985, suivi de Florence, Amsterdam, Berlin-Ouest puis Paris en 1989, année du Bicentenaire de la Révolution. "L’idée était de célébrer la richesse et la diversité des expressions culturelles en Europe et de rapprocher les Européens en les aidant à mieux comprendre les expressions culturelles venues d'autres États membres. Il fallait montrer que la culture a aussi un rôle essentiel à jouer dans le projet européen, souvent perçu uniquement sous l’angle d’une construction économique et politique", rappelle Sylvain Pasqua, chef d'équipe coordination Capitale européenne de la Culture à la Commission européenne.

Depuis 1985, plus de soixante villes ont été désignées Capitales européennes de la Culture, selon un processus et des critères bien précis qui lient l’Union européenne, via la Commission européenne, et les États membres, par l’intermédiaire de leurs ministères de la Culture. Le point en 5 questions sur cette initiative destinée à mettre en lumière la richesse et la diversité des cultures européennes ainsi que les traits et caractéristiques qu’elles partagent, et à favoriser la contribution de la culture au développement des villes au long terme.

Qu’est-ce qu’une Capitale européenne de la Culture ?

Le terme de Capitale européenne de la Culture, qui s’est définitivement imposé en 1999, est décerné pour une durée d’un an à une ville qui met en place une programmation culturelle à forte dimension européenne destinée à promouvoir la diversité des cultures du continent et à montrer aussi les éléments et valeurs qui nous unissent au sein de ce grand projet de construction européenne.

Depuis l’an 2000, où l’on avait couronné huit villes pour célébrer l’arrivée du nouveau millénaire, il y a chaque année deux ou trois villes sélectionnées, pour permettre un meilleur roulement de l’initiative entre les différents pays. Cette sélection est ouverte aux 27 États membres de l’UE mais aussi aux pays candidats (ou candidats potentiels) à l’entrée et à ceux qui ont signé l'accord sur l’Espace économique européen, à savoir la Norvège, le Liechtenstein ou l'Islande. L’ordre des pays a été voté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européen dès 2014 pour la période 2020-2033.

Qui désigne ces Capitales européennes de la Culture ?

Si la Capitale européenne de la Culture est une initiative de l’Union européenne mise en œuvre par la Commission européenne, la désignation nationale est organisée par les États membres, le plus souvent par l’intermédiaire du ministère de la Culture du pays concerné. Six ans avant l’année pour laquelle concourent les villes, le ministère est chargé de publier un appel comprenant les critères de sélection ainsi que les modalités de la procédure de présélection et de sélection (ces critères et modalités sont identiques pour tous les États membres). C’est lui qui au final désigne la Capitale européenne de la Culture, sur la base d'une recommandation faite par un jury d’experts indépendants.

Pour la ville française de 2028, neuf villes ont déposé un dossier en janvier 2023 : Amiens, Bastia, Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier, Nice, Reims, Rouen et Saint-Denis. Le jury les a auditionnées en mars dernier pour en présélectionner quatre (Bourges, Clermont-Ferrand, Montpellier, Rouen), avec des recommandations quant au contenu de leurs candidatures. Les finalistes avaient ensuite jusqu’à début novembre pour présenter un nouveau dossier augmenté prenant en compte ces ajustements. Le 13 décembre 2023, c'est la ville de Bourges qui a été désignée Capitale européenne de la culture pour 2028, aux côtés de České Budějovice en République Tchèque et Skopje en Macédoine du Nord. 

Le jury est composé de douze personnes. Deux d’entre elles ont été nommées par le ministère de la Culture. Les dix autres l’ont été par différentes institutions de l'Union européenne : trois par le Conseil de l’Union européenne, trois par le Parlement européen, trois par la Commission européenne et un par le Comité européen des régions. Ces dix membres sont nommés pour une durée de trois ans et participent, pendant cette période, à des sélections dans plusieurs pays. "Cela leur permet de développer une véritable expertise de la compétition. Les membres nationaux, eux, sont là pour apporter un œil nouveau - puisqu’ils changent avec chaque compétition - et pour leur excellente connaissance du terrain", constate Sylvain Pasqua.

Quels sont les critères à remplir pour devenir Capitale européenne de la Culture ?

Aujourd’hui, les Capitales européennes de la Culture sont désignées quatre ans avant le début de l’année du titre (contre quelques mois seulement pour les premières capitales), ce qui les incite à mieux inscrire leur projet dans le temps long en vue d’un développement durable. "Lorsqu'une ville candidate pour le titre puis devient capitale, elle doit faire en sorte d'utiliser au mieux les financements publics qu'elle va consacrer à ce projet, de sorte à assurer aussi une pérennité des investissements réalisés, et ce pour le plus grand bénéfice de ses communautés", souligne Sylvain Pasqua.

Six critères entrent en jeu dans l’obtention de ce titre. Le premier prend justement en compte le lien entre le projet et le développement général de la ville afin de développer des connexions de long-terme entre la culture et des secteurs comme l'économie, le tourisme, l'éducation, la lutte contre les inégalités... Le contenu culturel et artistique du projet constitue le deuxième critère. "Intéressant, ambitieux et innovant", selon Sylvain Pasqua, celui-ci doit être représentatif de la pluralité des disciplines artistiques, mêler différentes typologies de projets, des plus pointus aux plus populaires, et mobiliser fortement les acteurs culturels locaux et régionaux.

Les dimensions européenne (avec des projets qui montrent la diversité et les points communs des cultures en Europe, et se traduisent par des partenariats entre acteurs venant de plusieurs pays), participative (avec une ambition de sensibilisation de tous les publics), budgétaire (avec une solide assise financière), politique (avec un soutien fort et large attendu des pouvoirs publics concernés) et logistique (avoir une capacité suffisante en termes d’infrastructures culturelles ou d’hébergement) constituent les autres critères.

Qu’implique ce titre en termes d’équipement et de programmation ?

Toujours dans un souci de développement durable, l’Union européenne conseille aux villes de n’investir que dans des infrastructures qui répondent à des besoins avérés de leurs populations et sont donc nécessaires indépendamment de l’obtention du titre. Mais être Capitale européenne de la Culture permet souvent d’accélérer la réalisation de projets en attente, comme par exemple à Marseille avec le Mucem en 2013, à Wrocław (Pologne) qui a pu faire aboutir en 2026 grâce à l’élan du titre la construction d’une nouvelle grande salle de concert prévue de longue date, ou encore à Timisoara (Roumanie) qui a par exemple rénové et rouvert cette année plusieurs vieux cinémas, en leur trouvant de nouvelles affectations culturelles.

La programmation dure un an avec un financement principalement national, régional et local. L’Union européen contribue par l’entremise d’un prix d’un montant de 1,5 million d’euros, qui porte le nom de Mélina Mercouri. Elle peut aussi allouer des financements supplémentaires par des programmes comme Europe créative ou Erasmus Plus. Les budgets consacrés par les villes à la réalisation de leur année-titre peuvent aller de 20 ou 25 millions pour les Capitales les plus modestes, à 100 millions pour les plus importantes.

Quelles retombées culturelles et économiques pour ces Capitales ?

Replacer les villes sur la carte de l’Europe, tel est aussi l’objectif de cette initiative. Jusqu’en 2019, la Commission européenne menait une évaluation de chaque Capitale juste après son année. "C'est toujours un peu difficile d’avoir le recul nécessaire une année après le titre, mais on voit quand même souvent le lien entre culture et tourisme, éducation et jeunesse", explique Sylvain Pasqua.

Sur un plan anecdotique, Veszprém (Hongrie), Capitale cette année, avait par exemple beaucoup de difficultés à faire venir des étudiants en Erasmus et bénéficie depuis son titre d’un afflux inédit de candidats. Même chose dans les hôpitaux, qui manquaient de personnel médical et qui sont désormais beaucoup plus recherchés par les professionnels. À Plovdiv (Bulgarie) en 2019, la part de personnes qui fréquentaient relativement souvent des événements culturels dans la ville est passée de 27 % en 2017 à 44 % en 2019, année où la ville a été détenu le titre. "Pour les deux dernières villes françaises, Lille et Marseille, un changement d'image s'est opéré avec l'année du titre : elles ont montré qu'elles pouvaient organiser avec succès des évènements de cette envergure et étaient des villes dynamiques sur le plan culturel", note Sylvain Pasqua.

Côté fréquentation, les chiffres sont également assez variables, entre 2,5 millions de visiteurs pour Kaunas en Lituanie en 2022 et onze millions à Marseille en 2013. "On s'aperçoit que les villes vont face l’année du titre à un afflux de visiteurs, et que leurs institutions culturelles accueillent davantage de public que les années qui précèdent." À Matera (Italie), Capitale en 2019, 950 000 touristes se sont rendus dans la région de la Basilicate où se situe la ville contre 520 000 en 2012. La visibilité internationale de cette initiative a permis d’attirer particulièrement les étrangers, dont le nombre a bondi de 161 % pendant cette période. Et de façon générale, c’est l’ambition culturelle de toute une ville et de sa région qui croît avec le titre, grâce à la professionnalisation de ses acteurs culturels et à leur plus grande connexion européenne et internationale.

Source : Ministère de la Culture

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