À quelques jours de l’ouverture de la nouvelle Galerie du temps, annoncée le 4 décembre, l’émotion est palpable au Louvre-Lens. « Une émotion plus qu’une tension », précise Annabelle Ténèze, directrice du musée, un an après son arrivée sur le site de l’ancienne Fosse 9. Elle revient sur les merveilles qui racontent désormais la Galerie du temps version 2. Rencontre avec une personnalité enthousiaste et atypique dans un lieu qui ne l’est pas moins et qui a déjà attiré plus de 5 millions de visiteurs depuis son inauguration en décembre 2012.

 

 

L’impatience des habitués et des visiteurs du Louvre-Lens répond à celle des professionnels et des nombreux partenaires qui travaillent depuis des années à la mise en place d’une Galerie du temps foncièrement différente de sa version d’origine. « C’est un travail collectif et acharné qui a débuté avant mon arrivée », confirme Annabelle Ténèze. À l’origine, la Galerie devait être réaménagée tous les cinq ans, mais devant le travail titanesque qu’exige l’appropriation des 3 000 mètres carrés, il est apparu plus raisonnable d’étendre le projet sur dix ans, ce qui reste exceptionnel à l’échelle d’un espace de cette taille dans l’univers muséal français comme international. D’autant qu’on ne repart pas d’une page blanche : « Il nous fallait tenir la promesse originelle d’un musée différent, où le décloisonnement et le rapport direct à l’oeuvre sont les maîtres-mots », souligne l’ancienne pensionnaire des Abattoirs de Toulouse. La Galerie du temps a sa propre raison d’être : « Elle nous rappelle, bien plus que les expositions temporaires, que ces oeuvres sont nos biens communs. Le public a tendance à l’oublier ».

Enfin, pas tout le monde ! Elle se souvient de l’accueil qui lui a été réservé par certains habitués : « Bienvenue dans mon musée ! ». Ce musée dont la pierre angulaire vient de faire peau neuve avec quelques surprises aussi majestueuses qu’inattendues. D’ici, on ne repart jamais indifférent. La directrice s’étonne encore aujourd’hui du nombre de spécialistes qui viennent du monde entier pour le découvrir et comprendre ses codes : « Je pense que c’est assez unique au monde ».

 

Sphinx et Arcimboldo

Des aquarellistes du Bassin minier étaient venus immortaliser la précédente Galerie du temps. Le rendez-vous leur a déjà été donné pour boucler la boucle avec cette version largement remaniée et ses 200 chefs-d’oeuvre. « On veut à nouveau susciter la surprise ». Les œuvres ont été renouvelées pour 95 % d’entre elles, « environ 10 oeuvres » ont été conservées. Dès l’entrée, le ton est donné avec une mise en bouche « plus égyptienne que grécoromaine», et une majestueuse allée de Sphinx qui marquera les esprits, aux côtés d’un sarcophage qui ramène à l’époque des pharaons et aux origines de l’humanité. Les oeuvres ne viennent pas uniquement des réserves du Louvre- Lens. Nombre d’entre elles ont été extraites des salles de musées français ou étrangers, à commencer par celles du Quai Branly ou du Louvre à Paris. La tête d’affiche ?

Immanquablement Giuseppe Arcimboldo, connu des petits et des grands pour ses interprétations des personnes de son époque en fruits et légumes. Les jardiniers du Louvre-Lens ont pu aussi apporter leur touche dans les jardins du musée en s’inspirant du peintre italien. Les oeuvres du XVIe siècle ne seront pas les seules à attirer les regards. Un Goya ayant appartenu à Yves Saint Laurent fait partie du trésor de la Galerie du temps, chapitre II.

Une façon de rappeler que l’art et la mode ne sont jamais très éloignés. Si le sens de visite en pente douce a été conservé, l’occupation de l’espace est optimisée, avec un couloir de passage plus étroit, symbole de la maturité issue de douze années de Galerie du temps. « Nous avons voulu respecter les codes et le récit de 5 000 ans d’histoire des arts, mais sans face A, ni face B ». Ainsi, la visite pourra aussi être envisagée à partir du bas de la Galerie du temps. Au rayon atypique, une oeuvre de plusieurs milliers d’années est arrivée de l’ancienne Mésopotamie… en pièces façon puzzle, comme dirait l’autre. Elle sera reconstituée au Louvre-Lens pour la première fois, par la seule personne connue capable d’effectuer cette prouesse. Pas moins de huit écritures et alphabets à découvrir dans la Galerie version 2024.

 

Art participatif

Tout a été pensé dans le moindre détail et pourtant Annabelle Ténèze le souligne : « Chaque oeuvre est unique, a sa propre histoire, mais c’est réellement lors de la mise en place que nous constatons si la place envisagée dans l’espace du musée est judicieuse ». Les oeuvres se répondent comme si elles communiquaient entre elles. Un vrai casse-tête permanent pour les équipes et les conservateurs, auquel s’ajoute le travail anticipé avec les visiteurs et habitués et de rappeler que : « C’est un musée national pour les habitants, par les habitants ! ». Les cartels (petites étiquettes avec la légende de l’oeuvre) placés près de chaque collection artistique, ont été pensés et imaginés avec eux : une version en image et une version texte, « unique en France » selon la directrice. Bien sûr, « tout n’est pas recevable, mais tout est discutable » que ce soit avec les élèves des lycées techniques (métallurgie, esthétisme), les habitants du Bassin minier ou les voisins belges… L’art est une question collective et participative au Louvre-Lens. Trois thématiques racontent le fleuve du temps : l’écriture, le portrait et le rapport au vivant. Qu’on se le dise cette Galerie du temps va en surprendre plus d’un, avec l’envie d’attirer de nouveaux publics. Les habitants du Pas-de-Calais étaient fiers de leur musée en 2012, ils ne le seront pas moins le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe chère au territoire. Annabelle Ténèze a bien reçu le message : « En arrivant ici, j’ai bien compris qu’un lancement à une toute autre date n’était pas un sujet ». Un musée définitivement à part, inscrit dans son temps et dans son territoire.