À l’occasion des 80 ans de la découverte des camps de concentration nazis, le Département décidait, en septembre dernier, de créer la Classe mémoire et invitait l’ensemble des élèves de 3e des 125 collèges publics du Pas-de-Calais à visiter la Coupole, centre d’histoire, lieu de mémoire de la déportation et de partir à la « rencontre » de héros anonymes, résistants et déportés. La restitution a eu lieu lundi 26 mai 2025.

Découvrir la Coupole n’a laissé aucun élève indifférent. Depuis le 11 octobre 2024 et la première classe accueillie sous le dôme du centre d’histoire et de mémoire, 15 000 collégiens ont découvert le site, les conditions de sa construction, le but meurtrier dans une telle réalisation et, au-delà, de mieux appréhender les horreurs de la déportation, des camps de concentration, du sort réservé à ceux qui n’acceptèrent pas la soumission et la doctrine nazie. 

Certains ont souhaité aller plus loin

Il était également proposé, aux collèges volontaires d’aller plus loin et de compléter la visite par un atelier « Écrire l’histoire d’un déporté » dont l’objectif était de réaliser une notice biographique sur un ou plusieurs déportés de leur secteur. 34 établissements y ont pris part. 

Dès lors, les collégiens volontaires se sont transformés en historiens, cherchant des informations, vérifiant les sources, se rapprochant des descendants pour retracer l’histoire de ces Résistants et déportés qui ont donné leur vie pour leur pays.

Ce travail remarquable a fait l’objet d’une présentation devant jury qui a retenu 13 projets particulièrement aboutis et allant au-delà de la notice biographique : recherches généalogiques, expositions, podcasts, clubs de mémoire... 

C’est ainsi que, lundi 26 mai 2025, les groupes de travail se sont de nouveau retrouvés à la Coupole. Devant Blandine Drain, vice-présidente du Conseil départemental en charge des collèges, des politiques éducatives et de l’enseignement supérieur, Benoît Roussel, président de la Coupole et conseiller départemental, de représentants du Rectorat, ils ont présenté leur travail et expliqué combien cette expérience les a passionnés et marqués. Ce que l’on retiendra aussi de ces présentations, c’est l’unanimité autour du « plus jamais cela » et « l’importance de redonner vie à ces hommes et femmes morts pour l’avenir et la liberté. »

L’émotion était palpable

« C’est une belle leçon de citoyenneté que vous nous offrez aujourd’hui », s’est ému Benoît Roussel.

Émue également, Blandine Drain a souligné : « l’espoir immense que nous mettons en vous, en ces temps sombres que revit l’histoire. Au moment où nous assistons au bégaiement de l’histoire et que nous savons à quoi mènent les idéologies de haine, le nationalisme, le populisme, la xénophobie…, vous permettez de prendre conscience que ça s’est passé ici, chez nous. » 

C’est justement pour éviter l’oubli et lutter contre ceux qui voudraient faire croire que tout cela n’a pas existé que le Conseil départemental a proposé ce dispositif de Classe mémoire. « Dans le Pas-de-Calais, on ne fait pas que se souvenir, on apprend, on comprend et on transmet. Nous voulons faire de vous des ambassadeurs de paix, de liberté, de tolérance… Des citoyens éclairés et vigilants, capables de déceler les discours de haine, la mise en place d’un régime totalitaire… », insiste la vice-présidente.

Des familles présentes

Dans la salle, parmi les élèves et les enseignants, se trouvaient aussi des membres de familles de déportés. Parmi eux, Renée Blondeau, sœur de Paul Blondeau, résistant, arrêté en 1944, déclaré mort à l’étranger le 15 avril 1945 : « Le travail réalisé par ces jeunes est remarquable. J’ai découvert énormément de choses sur mon frère, Paul. Par exemple, nous ne connaissions rien de son parcours en Allemagne. Ce que ces collégiens ont fait m’a profondément ému. Aujourd’hui, je connais le parcours de mon frère et tout le monde pourra savoir pourquoi il est mort. »

Partager avec les camarades

Les présentations se succèdent avec toujours beaucoup d’émotion dans la voix des orateurs. 

Un temps de pause est l’occasion de rencontrer quatre élèves du collège Les Argousiers de Oye-Plage. Pour eux, la visite de la Coupole a eu un effet déclencheur : « Nous avons découvert l’univers des déportés, la vie dans les camps… Combien cette période était horrible », souligne Chloë. Avec ses camarades, elle a travaillé sur Marceau Bodart originaire de Marck, déporté au camp de Dora. « Le travail que nous avons réalisé, nous allons en parler et le présenter à nos camarades pour qu’eux aussi comprennent qu’il faut tout faire pour que ça ne recommence pas. Malheureusement, on voit aujourd’hui que les mêmes erreurs se reproduisent. »

Ces jeunes qui redonnent l’espoir

Pour terminer cette journée, les élèves ont visionné le film DDay et ont pu rencontrer André Baratte, dont le père fut arrêté et tué lors du massacre d’Ascq, le 4 avril 1944. Infatigable témoin de cette triste page d’histoire, André Baratte a été touché lui aussi par ces collégiens : « sincèrement ça fait plaisir de les voir, eux qui n’ont connu que le bonheur, s’impliquer de cette manière. Il faut les inviter à se pencher sur cette histoire. C’est ce que le Département a fait et c’est très bien. Même si ce que nous vivons aujourd’hui me fait peur, voir cette jeunesse ne pas oublier, c’est encourageant et redonne de l’espoir. »

L’ensemble des écrits ont été compilés dans un magazine réalisé par le Département et déposé au mémorial dans l’enceinte de la Coupole. Désormais tout le monde peut y avoir accès.

Trois questions à Blandine Drain

 

Quel regard portez-vous sur le travail de ces collégiens ?

« Nous avons initié ce projet, ça a été un gros travail des services de la Direction de l’Éducation et des Collèges et de La Coupole, mais je me rends compte que les élèves sont allés bien au-delà de ce que l’on attendait d’eux. Ils se sont transformés en véritables historiens. Ça fait du bien de voir cette jeunesse engagée. »

Une belle initiative donc ?

« Finalement, ça nous conforte dans l’idée que nous ne nous sommes pas trompés. C’est aussi ce que les enfants attendent de nous ; qu’on les implique plus et que ce ne soit pas simplement le professeur qui explique. C’est chouette de les entendre dire qu’ils ont eu le sentiment de revivre l’histoire. »

Ce genre d’opération est toujours d’actualité ?

« On aimerait pouvoir concentrer le partenariat éducatif sur ce type d’action qui implique les élèves. L’institution se doit aussi de promouvoir les principes et les valeurs de la République : la Liberté, l'égalité, la fraternité et c’est précisément contre ces valeurs que des crimes ont été commis il y a 80 ans et qui sont commis aujourd’hui encore. Il y a aujourd’hui une véritable urgence sur le devoir de vigilance. »