C’est une aventure que personne n’oubliera. Du 8 au 23 juillet, 12 adolescents arméniens et 22 jeunes de Maisons d’enfants à caractère social (MECS) du Pas-de-Calais ont enfourché leur VTT pour, ensemble, faire le tour du département.
Le raid itinérant SolidariTé VTT n’est pas nouveau puisqu’il remonte à 1998, même si, jusqu’à présent, il a toujours eu lieu en Arménie. La conjoncture actuelle dans ce pays meurtri par les conflits, notamment dans le Haut-Karabakh, a rendu, depuis 2020, le périple impossible dans le Petit Caucase.
Un soutien sans faille du Département
Mais pour Dominique Demory, ancien directeur de la MECS de Bapaume, à l’origine de cet échange, « il n’était pas question d’abandonner une expérience aussi enrichissante pour les jeunes ». Aujourd’hui retraité, il s’est impliqué bénévolement dans l'organisation de cette nouvelle rencontre. « Il y a eu le Covid, puis les évènements dans le Karabakh, mais nous avons toujours maintenu le lien. Je m’y suis même rendu pour montrer que l’échange n’était pas interrompu. » Lassés d’attendre que la situation s'améliore en Arménie, « nous avons décidé de faire venir les jeunes Arméniens dans le Pas-de-Calais où il y a une belle mobilisation des associations et un réel soutien du Département. »
Dès l’origine en 1993, le Département du Pas-de-Calais a soutenu cette action solidaire. Il est toujours de la partie, d’autant plus que cet échange entre pleinement dans le projet de mandat, et cadre parfaitement avec les pactes des solidarités humaines et des réussites citoyennes.
Aujourd’hui, Didier Payen, actuel directeur de la MECS de Bapaume et coordinateur de l’opération, a repris le flambeau : « Les jeunes se sont préparés dès septembre 2023. Nous avons tout fait pour les mettre en situation de réussite. Échouer aurait été dramatique pour eux. » Tous sont allés au bout de cette aventure sportive, culturelle et solidaire : « Ce qui fait la force du projet c’est notamment l’entraide que l’on a constatée dès le premier jour. »
Solidarité, fraternité
Une solidarité et une camaraderie qu’Henri Deblanc, 11 ans, le plus jeune des vététistes, gardera longtemps en mémoire : « Personnellement, j’aime les ascensions car en haut, on voit des paysages merveilleux. Ça a été difficile, mais quand on avait du mal dans les montées, les Arméniens nous aidaient. Ils montaient et redescendaient pour nous encourager, nous pousser. Ils sont super-sympas. » Il faut dire que pour les jeunes Arméniens, issus de l’école de cyclisme d’Erevan et des écoles de Vanadzor, habitués aux montagnes escarpées d’Arménie, le tour du Pas-de-Calais était une promenade de santé.
Mais pas question pour les spécialistes de la « petite reine » de se prendre pour des rois. Au contraire : « ce qui fait la force du projet c’est la solidarité et l’entraide que l’on a constatées dès le premier jour. »
« Même si nous ne sommes pas du même pays et que nous ne parlons pas la même langue, nous ne sommes pas si différents »
Ce raid a été aussi l’occasion d’un constat pour Henri et ses camarades : « Même si nous ne sommes pas du même pays et que nous ne parlons pas la même langue, nous ne sommes pas si différents. On aime les mêmes choses, on danse sur les mêmes musiques... Ils nous apprenaient des mots en Arménien, on leur apprenait des mots en français. Le soir, ils nous montraient des jeux de chez eux et nous faisions la même chose… La seule différence, c’est qu’ils se couchaient plus tôt pour être en forme le lendemain…», précise Henri avec un petit sourire malicieux.
Et si parfois la barrière de la langue était plus difficile à franchir, Meri était là pour traduire. Âgée de 18 ans, elle est arrivée en France il y a un an et demi sans parler notre langue. Elle vient d’obtenir le bac français avec un 18 sur 20 à l’oral.
Tous garderont longtemps le souvenir de cette rencontre. Et pour ne rien oublier, ils sont repartis avec le petit carnet de voyage créé par l’artiste Dimitri Vazemsky et qu’ils ont noirci au fil des journées.
Inutile de préciser qu’après deux semaines d’une aventure commune, la séparation a été douloureuse. Mais le temps des au revoir était aussi celui de l’espoir. L’espoir de se revoir dans deux ans pour un nouveau raid cette fois en Arménie.
Photos Y.Cadart/CD62
Ce que les Arméniens en pensent :
Pour Ani Avagyan, 15 ans, championne d’Arménie de cyclisme sur route, le raid a été l’occasion « d’oublier un peu les difficultés dans notre pays ». Elle retiendra la beauté des paysages et surtout l’émotion « d’avoir fêté mon anniversaire en faisant du vélo, parmi mes nouveaux amis français. Ça a été très émouvant. »
Sergei Petrosyan, aujourd’hui entraîneur à l’école de cyclisme d’Erevan : « j’ai participé au raid quand j’étais enfant, il y a 14 ans. Je suis très heureux que ce projet perdure et très fier d’y prendre part en tant qu’encadrant. C’est très intéressant de regarder comment les enfants parviennent à communiquer et comment, en quelques jours, ils sont devenus amis malgré la barrière de la langue. »
Nune Mkrtumyan est capitaine de police en Arménie : « J’ai participé à huit raids et aujourd’hui j’accompagne ma fille, Sofiya, 15 ans pour qu’elle constate elle aussi combien l’effort et la solidarité forgent la personnalité. »
Pour Sofiya : « Ma mère avait raison. Au début, c’était trop difficile, mais je sens aujourd’hui que je suis plus forte. Et puis ça a été enrichissant j’ai vu un peu comment on vivait dans votre pays et que l’on parvenait toujours à se comprendre. »
Ani Sargsyan, elle aussi entraîneur à Erevan, n’avait jamais pris part au raid : « Mais mon mari, aujourd’hui cycliste professionnel, y a participé trois fois. Pour moi, venir ici aujourd’hui a permis de constater comment les adolescents se comportent loin de leurs parents. Ça m’a fait plaisir de voir le bonheur dans leurs yeux et l’amitié qui s’est nouée entre eux. »